Le débat animé autour du cobalt

Nous avons passé les 1,5 dernières années à construire ce qui est devenu l’Alliance du Cobalt Equitable, un programme pluriannuel visant à lutter contre les conditions dangereuses de travail, le travail des enfants et les faibles revenus des mineurs de cobalt artisanaux. Nous recrutons activement de nouveaux membres pour soutenir notre vision. De nombreuses entreprises hésitent toutefois à s’engager auprès des EMAPE, de peur d’être associées à des impacts négatifs en amont de leur chaîne d’approvisionnement.

Peu de minéraux, voire aucun, ont polarisé le public autant que le cobalt. Ce métal permet de stocker l’énergie plus efficacement, de stabiliser les batteries et de permettre des recharges fréquentes – un attribut essentiel pour les véhicules électriques, les téléphones portables et le stockage d’énergie à grande échelle. Compte tenu de son utilité, le cobalt a été salué par beaucoup comme la clé de la transition vers une énergie verte. Alors que la spéculation mondiale sur le cobalt a entraîné une flambée des prix sans précédent, les ONG et les médias internationaux ont publié des rapports qui  font réfléchir, révélant des conditions de travail dangereuses dans les exploitations minières artisanales et à petite échelle en République démocratique du Congo et, entre autres, une forte association avec le travail des enfants. Cela crée une dichotomie entre, d’une part, le cobalt, clé d’un avenir propre et sans carbone, et, d’autre part, sa production, caractérisée par le travail systématique des enfants, des conditions de travail dangereuses et une réputation déplorable en matière de protection des droits de l’homme.

Contribuant à hauteur de 20 % à la production nationale de cobalt, le cobalt provenant des mines artisanales et à petite échelle se retrouve dans des chaînes d’approvisionnement mondiales complexes. Bien qu’il fournisse plusieurs milliers d’emplois directs et qu’il contribue indirectement à la subsistance d’un nombre encore plus important de ménages, les pratiques actuelles sur les sites d’extraction de cobalt de l’EMAPE ne répondent pas toujours aux attentes des acteurs de la chaîne d’approvisionnement internationale et des marques en ce qui concerne les conditions de travail, la gouvernance des sites miniers et la gestion environnementale. Au niveau local, cependant, les mineurs artisanaux disposent de peu d’autres sources de revenus viables, aussi facilement accessibles ou offrant des niveaux de rémunération similaires et permettant de disposer de liquidités.

Quatre ans après la publication du rapport d’Amnesty, les prix du cobalt sont redescendus aux niveaux antérieurs à la spéculation. Si le nombre de travailleurs a considérablement diminué, plusieurs dizaines de milliers de familles continuent de compter sur l’exploitation du cobalt comme principale source de revenus. En ce qui concerne les conditions de travail, peu de choses ont changé sur le terrain, ce qui justifie la question de savoir ce qui peut être fait pour aider à améliorer les conditions de travail sur le terrain.

Seules quelques entreprises ont pris des mesures pour s’impliquer sur le terrain. Au contraire, plusieurs producteurs de VE et entreprises technologiques ont annoncé leur intention de réduire drastiquement et si possible d’éliminer l’utilisation du cobalt dans leurs batteries, en investissant des millions de dollars pour trouver une alternative viable. En toute équité, les coûts et la rareté potentielle du minerai, ainsi que son empreinte environnementale significative, ont sans aucun doute joué un rôle dans la décision de réduire la dépendance de l’industrie au cobalt, mais un moteur puissant semble être le désir de se distancer de la dure réalité à laquelle sont confrontées les communautés minières artisanales. Cette tendance à se désengager de l’EMAPE cobalt et même du minerai en général a toutefois alimenté les préoccupations d’organisations telles que l’OCDE et Amnesty International, qui appellent les acteurs de l’industrie à rechercher plutôt un engagement constructif avec l’EMAPE. Le désengagement en aval de l’EMAPE cobalt, ou son interdiction, ne permet pas d’aborder de manière constructive les problèmes liés au travail des enfants et aux conditions de travail dangereuses, niant toute responsabilité des acteurs de la chaîne d’approvisionnement dans le développement conjoint d’une solution viable.

Le fait est qu’à l’heure actuelle, nous n’avons pas encore trouvé de substitut au cobalt. Même en tenant compte des diverses nouvelles mines qui démarrent leurs activités en dehors de la RDC et du recyclage du cobalt qui devient plus efficace (ce qui marque une étape essentielle vers l’économie circulaire), les experts prévoient d’importants déficits de production dans les dix prochaines années, alors que les experts prévoient une explosion de la demande de cobalt. Un secteur EMAPE organisé de manière plus professionnelle pourrait être un levier essentiel pour répondre à la demande croissante de cobalt, et tout autant, marquer une opportunité de s’assurer que les communautés locales puissent transformer une partie de leur richesse minérale en prospérité durable pour leur communauté.